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Hypothèse sur la création du peuple Sequane à partir des quelques éléments textuels , toponymiques et archéologiques dont nous disposons .
Avertissement :
A partir d'ici nous quittons le cadre de l'étude du terrain et des textes se rapportant à Alésia, pour entrer dans celui plus abstrait de l'hypothèse.
Étant entendu que nous n'avons aucune information sur la création du peuple des Séquanes, et qu'il ne s'agit donc là que de pistes de recherche !
Les deux parties peuvent donc évidemment se consulter de manière totalement dissociée sans influer l'une sur l'autre (voir nota bene).
L’histoire des Séquanes commence peut-être en Suisse sur les contreforts ouest des Alpes ; à cette époque pendant le deuxième millénaire avant J.-C. la température est plus élevée qu’aujourd’hui et la civilisation pré-celtique prospère rapidement, par petits groupes et par vagues successives. Ces groupes essaiment à travers l’Europe.
Le territoire qui nous intéresse (aujourd’hui Entremont) se situe au nord-est du lac Leman le long de la vallée de la Saane (Sarine en français), il se prolonge jusqu’à la ville de Fribourg voire au delà et est contigu à la vallée du Rhône; .le peuple occupant de ce territoire n’a pas de nom connu, toutefois l’étude de la toponymie semble indiquer qu’une notion de force se dégage des lieux.
La Sarine est la traduction française du nom allemand de la rivière "die Saane“ .
La Sarine, affluent de l´Aar prend sa source sur la commune de Savièse (District de Sion, Valais), et traverse les cantons de Vaud et de Fribourg, formes anciennes Sanona en 1039, Sarona en 1339, dériverait d´un Seganona, « la Forte » issu de segano, « fort » ; elle a donné son nom à un district fribourgeois;
Senin = grand pâturage aux sources de la Sarine, col de senin, lieu-dit, et lac de senin, Senin et Senenz en 1243, Senens en 1379, provient du nom de la sarine.
Le nom allemand correspondant, Sanetsch, a la même origine (Savièse, district de Sion, Valais, et Gessenay, Berne).
Saanen = Sanon en 1393, de Saane, nom allemand de la Sarine
La Singine = affluent de la Sarine, Sensuna en 1076, Sensun
en 1268, nom allemand Sense, d´un Segontiona dérivé de Segontia, « la Forte, la Puissante », devenu plus tard
*Se(o)ndzona, elle a donné son nom à un district fribourgeois.
La Sionge = cours d´eau affluent de la Sarine, hameau de la commune de Sâles et maison isolée de la commune de Bulle, district de la Gruyère (Fribourg), Sionsy et Syonsi en 1355, Sionse en 1381, Sionzys en 1508, du gaulois Segonna, de sego-, force, et onna cours d´eau.
A noter aussi le village vaudois du district de Moudon, Syens, qu'on retrouvera plus loin en fin d'étude et aussi en annexe 1 .
On l’a vu ce territoire est contigu à la vallée du Rhône et notamment au district de Sion (Valais).
Considérant l’étendue du territoire, Il est possible que les habitants du Valais au territoire plus restreint étaient alors leurs clients, alliés ou parents .
A l’époque de César, leur nom « Sédune « venait peut être de leur capitale Sion.
Sion = chef lieu du Valais nom gallo-romain Sedunum au IVème siècle, localité principale de la tribu gauloise des Sédunes, aussi nommée Sedyninsium civitas, Sidunensis, Sedunum en 859. Ces toponymes dérivent du nom gaulois Sego-dunum, « Fort de la Victoire », le nom sego provient de la racine Celte seg-, « victoire, force »,
Il est à noter qu’au moyen-âge ce versant de la vallée dépendait autrefois de la région d'Entremont à laquelle il était relié par les cols des Etablons, de la Pierre-à-Voir et du Lin, il paraît vraisemblable qu’il ait pu en être de même antérieurement.
On le voit tous ces toponymes sont basés sur la racine celtique « Seg « qui signifie « la force ou la victoire » . Bien entendu il est impossible de savoir à quand remonte exactement l’ancrage toponymique dans la vallée mais à l ‘époque où César débarque en gaule il apparaît clairement que de nombreux noms celtiques sont inscrits depuis fort longtemps dans le paysage européen.
En tout état de cause le peuple qui a engendré cette notion de force sur ce territoire devait jouir d’un certain prestige.
XIIe siècle : MIGRATION ...
Au XIIe siècle av. J.-C. se produit un mouvement important parmi les peuples protoceltes. Certes il est établi que les flux migratoires furent rarement massifs et qu’ils se firent plutôt de manière aléatoire mais on observe toutefois à certaines époques des migrations plus brutales.
On observe donc au XIIe siècle une diffusion de la culture protoceltique depuis les Alpes vers les territoires alentours.
La cause de ces mouvements reste obscure mais on peut supposer que ces peuples en constante expansion avaient besoin d’espace pour éviter le surpeuplement.
Une partie sans doute de notre peuplade accompagnée de ses alliés ou clients (dont peut-être des Sédunes) se joint au mouvement migratoire, ils remontent alors le Rhin a la recherche d’une contrée vaste et accueillante, ils finissent par s’établir à l’Est de Bonn, en Westphalie-Rhénanie dans une vallée qui rappelle celle d’origine.
Là encore les mêmes indices qu’en Suisse semblent témoigner de leur installation, citons :
La ville de Siegen = Ancienne Segodunum, Segedunum,Siga, Sigena, Sigena Nassoviaerum
La rivière la Sieg = sega, segaha, siga, rivière qui traverse tout le territoire de l’est vers l’ouest avant de rejoindre le Rhin.
La ville de Siegburg = sige, sigisburgum, sineburgo, sigenbergensis
Le nom allemand Sieg dérive directement de la racine Seg.
Quand à la la région elle a pour nom :Le Siegerland
La liste est non-exhaustive évidemment.
Notons que tout ce territoire prendra le nom de Senensis comitatus puis de Seyna, il finira même par donner son nom à toute une lignée aristocratique qui durera des siècles, la lignée des comtes de Sayn (ou Seyn).
Il ne fait guère de doute que ce peuple souhaitait impressionner ses voisins en parsemant son territoire de noms dégageant une idée de force, peut-être sur le modèle de leur territoire antérieur ?
Cependant et quel que soit l’attrait du lieu ils finiront par partir après deux ou trois siècles d’occupation.
En effet au IXe siècle , le temps se refroidit brutalement et déclenche une nouvelle migration, vers le sud cette fois !
CLIMAT
Tous ces changements climatiques sont parfaitement connus des spécialistes, on assiste au début du 1er millénaire av. J.-C. à une récession thermique qui dure encore de nos jours, le climat se dégrade et le temps devient plus frais et plus humide, la tendance va en s’accentuant jusqu’au VIe siècle av. J.-C.
Un maxima glaciaire est attesté par la tourbière du glacier de Fernau (Tyrol),
entre -900 et –300, Il s’agit de deux poussées glaciaires successives, dont chacune se prolonge pendant deux ou trois siècles, séparées par un intervalle de retrait pendant un siècle et demi.
Nouvelle migration...
Ce peuple redescend donc le Rhin et finit par arriver dans une région au climat un peu moins rigoureux, la Lorraine et les contrées avoisinantes sont plus accueillantes et ils vont y rester durablement. Ils finiront d’ailleurs par inscrire leur nom en toute lettre dans certains toponymes, l’étendue de leur territoire et la puissance de leurs armes achèveront de forger définitivement leur patronyme.
Longtemps on a pensé qu’ils se nommaient « les anciens ou les vénérables « sans doute à cause de l’homonymie parfaite avec la racine « Sen « qui signifie en celte comme en latin : vieux ou ancien.
Or on sait maintenant qu’il existait une autre racine indo-européenne ayant la même signification que la racine « Seg « il s’agit de la racine « Sen(h) « :force, victoire.
Ce peuple dont le prestige guerrier assurait sa renommée depuis déjà de longs siècles et qui finira même par faire trembler Rom , ce peuple avait pour nom « Sénons « .
Il n’est pas possible de définir à quelle époque ils laisseront là aussi leur nom dans la toponymie locale mais leur présence sur
place va durer longtemps. Elle est d’ailleurs attestée par cette inscription trouvée à Metz en 1895, une dédicace religieuse « aux matres senonum « = deesses –mêres des
Senons.
Ou un peu plus à l’Est au delà du Rhin à Bockingen (Allemagne) = inscription " aux seno(nibus) matronis ".
En Lorraine même, de nombreux lieux semblent porter la trace de leur passage, même s’il faut accepter l’idée que les germains qui fouleront ce sol bien des siècles plus tard lors des invasions, reprendront certains de ces noms sans trop les dénaturer.
On trouve répartis un peu partout sur leur territoire les villages de :
Implantation des Sénons...
Senonges = senoneas, senongas, senonias au X ème siècle
Senoncourt = senuncurtis en 1150
Senon = senum, senonensis en 1227
Senoncourt = cenoncourt en 1370
Senonville = même nom en 1180
On trouve aussi un lieu au pied des Vosges encore plus étonnant, il s’agit du village de Senones. L’histoire dit qu’il fut fondé au VIIe siècle par Gombert, ancien archevêque de Sens.
La rivière qui passe à coté porte le même nom ; il se dit que c’est le monastère qui lui a donné son nom, ce dont on peut douter, les noms de rivières étant en règle générale assez anciens.
Nul ne sait ce qui aurait poussé l’évêché de Sens à envoyer un de ses émissaires en ce lieu perdu, si ce n’est le souvenir ou le nom encore vivace d’un lieu fréquenté par les ancêtres même des habitants de la ville de sens !
Quelles sont les limites de ce territoire au IXe siècle av. J.-C. ?
Il serait vain et imprudent de se risquer à en définir les contours, toutefois certains indices ténus pourraient constituer un début de piste.
A l’ouest sur la frontière de leur territoire supposé, commune de Marmesse on a trouvé il y a quelques années, enfouies au fond d’un étang, neuf cuirasses empilées trois par trois. On ne sait pas quelle signification donner à ce dépôt d’arme en milieu humide, on peut seulement remarquer son caractère ostentatoire, guerrier et prestigieux ; et la date de cet événement,
Le IXe siècle av..J.-C.
Cuirasse de Marmesse
A l’Est de ce lieu et à proximité immédiate, on trouve, et probablement pas par hasard, le village de Semoutier-Montsaon, Montsaon (mons+sion) construit comme son homonyme de Suisse sur le composé Segodunum et qui est un ancien site fortifié sur une colline (Mons syon en 1145).
Expansion des Sénons à partir du coeur de leur territoire...
EN ROUGE : Zone des noms en SENON
- NUMEROS : Voir annexe 1 pour description des sites
- LIGNES BLANCHES : Sites en rapports (matériaux)
- VIX / BO (blanc) : Voir rubriques suivantes (IIIe siècle)
- PERIGNY : Site en rapport avec la ville de SION (SUISSE)
- SY : SYAM, village en rapport avec celui de SIEN (12 , ALL)
L'examen de cette carte permet de délimiter, de manière approximative et évidelmment aléatoire, l'étendue du territoire Sénon entre le VIII et le Ve siècle.
On observe notamment qu'ils devaient occuper toute la plaine d'Alsace voire au delà (BO = Bockingen), que le territoire était bordé à l'Est par le Jura, qu'à l'Ouest la haute vallée de la Seine devait constituer une frontière physique et cultuelle très importante et que plus au Nord-Ouest l'espace était peut-être déjà occupé par les Rêmes (P'remi = " les premiers ", ils ont donné leur nom à la ville de Reims).
Sans rentrer dans le détail que l'on retrouvera en annexe 1, on peut constater une concentration inhabituelle de sites sur le cours supérieur de la seine et à proximité même de la source.
On peut aussi constater la présence aux confins nord et sud du territoire de deux villages ayant porté le même nom, hasard ?
Nous avons en Allemagne, le village de Sien et dans le jura le village de Syam, or une forme ancienne de ce nom, relaté par G.Cousin au XVe siècle, nous donne aussi Sien.
A ce stade de l'hypothèse il est aussi permis de s'interroger par exemple sur ce qu'il est advenu des Sédunes. Il est tout à fait possible que les Sénons les aient laissé occuper la partie de la Seine en aval de leur territoire, on trouve en effet sur la commune de Perigny en aval de Troyes un dépôt du VIe siècle qui non seulement présente de fortes similitudes avec celui de Crançot de la même époque (Jura , Ouest de Champagnole) mais on y trouve aussi et surtout la parfaite réplique d'un poignard découvert également lors de fouilles dans la ville de Sion en Suisse...
L'ITALIE...
A la fin du Ve siècle av. J.-C. un profond bouleversement va de nouveau affecter les Sénons et au delà toute une grande partie Nord-Est de la Gaule. Les riches échanges commerciaux avec l'Italie ont aiguisé l'appétit des Celtes. La Gaule est alors densément peuplée et devient plus difficile à gérer; une migration (voire plutôt des migrations successives) s'organise une fois encore, cette fois-ci direction l'Italie.
On connaît par divers auteurs antiques, les acteurs principaux de ce grand voyage, Boiens, Lingons, Senons... Mais un auteur est encore plus précis. Et même si il est encore difficile à l'heure actuelle de dire si il ne faisait pas l'énumération des peuples celtes connus à l'époque , la liste qu'il fournit est édifiante ; pour lui les principaux peuples de gaule orientale y ont participé :
TITE LIVE
Livre V 35/36
A Bellovèse, les dieux montrèrent un plus beau chemin, celui de l'Italie. Il appela à lui, du milieu de ses surabondantes populations, des Bituriges, des Arvernes, des Héduens, des Ambarres, des Carnutes, des Aulerques; et il partit avec de nombreuses troupes de gens à pied et à cheval …
Bientôt, suivant les traces de ces premiers Gaulois, une troupe de Cénomans, sous la conduite d'Étitovius, passe les Alpes par le même défilé, avec l'aide de Bellovèse,. Ensuite, par les Alpes Pennines. arrivent les Boies et les Lingons . Enfin, les Sénons, qui vinrent en dernier, prirent possession de la contrée qui est située entre le fleuve Utens et l'Aesis. Je trouve dans l'histoire que ce fut cette nation qui vint à Clusium et ensuite à Rome; mais on ignore si elle vint seule ou soutenue par tous les peuples de la Gaule Cisalpine.
Tous ?
En fait non ! Il manque deux grands peuples à cette liste, l'archéologie nous fournit deux indications importantes sur ce sujet, les deux attestent d'une part que le Nord-Est de la Gaule et au delà le Bade-Wurtemberg en Allemagne connaissent une chute brutale d'occupation, et d'autre part, que seule la région de Reims ne subit pas de rupture de ce type. On retrouve donc sur le terrain les effets de cette migration de grande ampleur et la confirmation qu'il est normal de ne pas retrouver les Rêmes en Italie !
Le deuxième peuple qui fait défaut à l‘énumération de Tite-Live est un des plus grands peuples de Gaule... Il s'agit bien entendu des Séquanes !
Or encore une fois l'archéologie prouve que le Jura connaît la même chute brutale d'occupation à la même époque, il est donc plus qu'étrange de ne pas retrouver les Séquanes parmi les migrants d'Italie !
Deux hypothèses se présentent alors :
Soit les Séquanes n'étaient pas encore présents sur notre sol a la fin du Ve siècle, soit tout simplement ce peuple n'avait pas encore d'existence...
LES SENONS EN ITALIE...
Pour revenir à la migration en Italie, les Sénons partent les derniers, ils arrivent en Italie alors que les autres nations Celtes ont déjà investi toute la plaine du Pô jusqu'aux Appenins. Leur prestige guerrier les désignent sans doute pour être en première ligne face aux armées romaines, armées qu'ils vaincront effectivement à plusieurs reprises.
Ces victoires mèneront Brennus, leur chef, jusqu'au Capitole en 390 av. J.-C.
La présence Sénone est parfaitement attestée en Italie au IVe siècle, de nombreuses découvertes archéologiques dans les sépultures, sur leur territoire avéré ou supposé en témoignent. Ce territoire s'appelait l'Ager Gallicus, dont les frontières, d'après Tite-Live, furent clairement définies, les Senons peuplèrent la Romagne méridionale en allant jusqu'à la moitié septentrionale de l'actuelle région des Marches.
Sans préciser leur localisation, Polybe les situe après les Lingons et jusque sur la côte Adriatique (Polybe, II,17, 7). Plusieurs découvertes attribuées aux Sénons montrent que les « confins » méridionaux donnés par Tite-Live sont artificiels : plusieurs nécropoles et tombes isolées se trouvent au sud de l’Esino.
Les nécropoles Sénones les plus connues sont celles de Montefortino d’Arcevia (milieu IV / Fin IIIe siècle , plusieurs phases chronologiques , on retrouve dans la phase initiale l’équipement typique du guerrier celte avec épée en fer), de Santa Paolina di Filottrano (tombes très riches dans tous les domaines, on y retrouve dans certaines les longues épées en fer, apanage des guerriers celtes), de Trivio di Serra San Quirico, de San Ginesio (tombe opulente d’un important personnage avec tout l’attirail du guerrier celte y compris l’épée en fer laténienne), de Piobbico, et une tombe exceptionnelle apparemment isolée qui doit être signalée à Moscano di Fabriano (homme avec armes dont épée laténienne) .
D’une manière générale les tombes Sénones d’Italie dépassent largement par leurs richesses, les autres tombes princières transalpines.
La présence Sénone durera près d’un siècle mais cette cohabitation plus ou moins pacifique permit entre temps aux romains de monter en puissance, ces derniers reprirent ou fondèrent.(-283) sur la frontière, la colonie de Sena gallica, aujourd’hui la ville de Senigallia (ou Sinigaglia).
A noter que cette ville Italienne est jumelée avec celle de Sens.
On a vu que les frontières sud des Sénons n’étaient pas clairement définies, il existe donc peut être une autre ville qui doit son nom à ces derniers, il s’agit de la ville de Sienne.
Sa fondation reste obscure, selon la légende, Sienne fut fondée par Senius et Aschius, fils de Rémus lui-même frêre de Romulus (fondateur de Rome). Ils s'arrêtèrent dans la vallée du Tressa et fondèrent une ville qu'ils baptisèrent du nom de l'aîné, Sienne.
Une autre légende nous dit que son nom viendrait d'une famille étrusque, les Seina.
Ce qui est certain c’est que l’acte de fondation officiel date du 1er siècle av. J.-C. il s’agit d’une Colonie romaine fondée par Auguste qui la nomma Sena Julia.
L'étude des formes anciennes nous donne toutefois d'autres indications :
Sienne = Sena, Colonia Senensis, Saena, Sena Julia, Senae, Siena.
Il existe aussi à l'Est de la ville une ligne de collines qui fait face à l'ancien territoire Sénon , cette étendue porte à l'heure actuelle le nom de : Crête Senensi (ou Senesi).
Il devient alors intéressant d’observer qu’à l’époque antique Sienne se nommait Colonia Senensis, que ce nom est présent aujourd’hui encore dans la toponymie locale…
Et que nous avons exactement le même terme concernant le territoire Sayn (ALL) soit comitatus Senensis !
Comment ne pas remarquer aussi toutes ces homonymies avec notre fleuve la Seine !
Quel est donc exactement le rapport entre les Sénons et le fleuve qui coule sur notre territoire ?
Est il possible dès lors, d’imaginer que d’une manière ou d’une autre, ce soient les Sénons qui aient participés à la formation du nom ?
Pour essayer de répondre à la question revenons en Gaule .
Pendant ce temps là, au début du IVe siècle, on ne note pas de changements majeurs sur les vastes territoires laissés vacants par les populations déplacées. Si une restructuration s’organise, elle se fait dans la douceur ; seuls les Rêmes restés en place et qui bénéficient de toute l’expérience acquise et du commerce avec l’Italie, prospèrent rapidement, les riches nécropoles découvertes à proximité de Reims en témoignent.
On observe toutefois dans la deuxième moitié du IVe siècle, des déplacements de populations beaucoup plus nets. A partir d’une bande en arc de cercle, de la moyenne vallée de la seine jusqu’au Rhin, une migration des populations s’organise vers les aires dépeuplées de la champagne.
LES SEQUANES ...
Les populations du Sénonais, Nogentais, de la Marne supérieure et des bords du Rhin se déplacent vers la Champagne, au Sud un vaste territoire (?) qui n’enregistre pas de mouvements significatifs avant le milieu du IIIe siècle, au Nord-Ouest de cette zone le territoire Sénon tel qu’il se présentera au 1er siècle av. J.-C.
La conclusion à tirer de cette nouvelle situation est facile à deviner, repoussant devant eux ceux qui ne s’adaptent pas à la nouvelle situation, les Séquanes entrent en scène…
Mais est ce l’arrivée d’un nouvel apport de population germanique ?
C’est l’hypothèse la plus simple, mais elle est peu probable car cet apport n’est pas corroborée par l’archéologie. En effet, hormis ce déplacement de population qui s’est fait par petits groupes vers la Champagne, la population de la Gaule à cette époque est relativement stable et on n’y décèle pas de migration massive.
On a vu qu’au Ve siècle, les Séquanes n’existaient probablement pas encore.
Peut-être en gestation sur la partie méridionale du territoire Sénon ? Ce qui n’aurait rien eu d’extraordinaire si on en considère la vaste étendue.
Il paraît donc plausible qu’après le départ de l’élite Sénone pour l’Italie, une partie de la population ait eu envie d’indépendance et ait fini par profiter d’une certaine vacance du pouvoir. Or on le visualise sur la carte, les populations qui se déplacent au IVe siècles sont précisément celles qui sont au contact de la frontière Nord des Séquanes et du nouveau territoire Sénon tels qu’ils se présenteront approximativement au moment de la conquête de César.
Le nom même des Séquanes reste obscur. Pour les linguistes spécialistes des langues indo-européennes qui ont déterminé plusieurs groupes linguistiques à travers l’Europe, le Kw (Sequana se prononce Sekwana) n’aurait pas dû subsister en gaule, il aurait dû disparaître (évolution en P , ex : Ekwo = cheval qui a donné le dérivé Epona) ; mais le fait est que cette prononciation a subsisté ! Peut être est ce dû à une formation tardive qui n’aurait sans doute pas subi la même mutation ?
En tout état de cause plusieurs interprétations sont donc possibles.
La source de la seine était particulièrement vénérée. Ce qui était le cas de la plupart des cours d’eau à l’époque celtique, mais on a vu que le cours supérieur de la seine était l’objet d’une attention particulière. On a vu aussi que le nom Seine possédait une similitude prononcée avec certains noms issus de la proximité avérée ou supposée avec les Sénons .
Au milieu du XVIIIe siècle, on découvrit dans un vallon paisible, à proximité de la source, les fondations d'un vaste édifice rectangulaire (57m sur 18m) et une inscription : "DEA SEQUANA", quant à la statue de la déesse Seine elle fut retrouvée en 1933.
LA DEESSE SEQUANA
Les Séquanes étaient donc les habitants issus de la source de la seine, source qui vraisemblablement tirait son nom de la force des Sénons. Il se pourrait aussi que nous ayons affaire directement à un Seg-u/o-ana, racine basée sur la force et suivie d’un suffixe hydronymique ; toujours est il qu’il est certain que les Séquanes furent présents sur les sources de la seine bien avant la conquête romaine.
Sur le sujet il est intéressant de laisser la parole à l’érudit Francois DUNOD DE CHARNACE (né à Saint-Claude, Jura, le 30 octobre 1679, mort en 1752) ancien avocat et professeur royal à l'université de Besançon qui a écrit une Histoire des Séquanois (1735) dans laquelle il posait déjà la question pertinente de la parenté possible entre les Sénons et les Séquanes:
Je ne crois pas même, qu'on les ait appelés originairement Séquanois, ce nom me paraît accommodé à la langue latine et changé en quelque chose, pour distinguer le peuple auquel les romains l'ont donné des Sénonois qu'ils connaissoient avant eux.
Il me semble donc que leur véritable nom était celui de seines ou Seknes (°) dont les latins ont fait Secani ou Sequani.
La rivière de seine qui a conservé la dénomination celtique, étoit nommée par les latins, Secana et Sequana ; et nous appellons encore Sequani les habitants des lieux qui se nomment Seine en François.
S'il est vrai comme je l'ai dit, que les Seines appellés Séquanois par les romains étaient les premiers celtes qui sont entrés dans les gaules ; il est bien probable qu'ils ont donné leur nom à la rivière de Seine dont la source est proche de leur païs et sur les bords de laquelle ils ont établi des colonies.
L'analogie de ce nom avec celui de Seine, semble le prouver, et les Sénonois que Denis d'Halicarnasse nomme : Caeni, et Xiphilin : Cennae ont donné le nom de Sena à leur capitale au delà des alpes.
(°) Difficile de dire d’où Dunod tirait le terme Seknes, très certainement des textes grecs ou latins qu’il avait dû étudier ou des quelques inscriptions déjà connues à l’époque, à titre d’exemple on peut citer le matériel épigraphique du comptoir étrusque de Bagnolo San Vito à coté de Mantoue en Italie qui a livré Seken basé sur le radical Seg.
Le IIIe siécle : IMPORTANTS MOUVEMENTS...
On assiste donc au début du IIIe siècle av. J.-C. à l’effondrement de la puissance Sénone face à celle montante de Rome et consécutivement à la naissance du puissant peuple des Séquanes (voir annexe 2) ; la puissance militaire et territoriale des Sénons ne se remettra pas de ses défaites et de cette division, César trouvera en arrivant en Gaule un peuple certes encore respecté mais n’occupant plus qu’un territoire restreint.
Les Séquanes continueront bien évidemment leur expansion vers le Sud et l’Est, peut être même dépassent ils alors les limites du Jura pour atteindre l’Ouest du plateau Suisse, il n’y a pas de certitudes mais certains indices archéologiques et Strabon lui même laissent deviner au minimum une influence réelle des Séquanes sur le territoire Suisse. En tout état de cause ils atteignent vers le Sud la région de Bellegarde sur Valserine , la Valserine dont l’étymologie est identique à celle de la Sarine en suisse (Val + Serine , Sanona en 1175).
Alors même que le centre de gravité du territoire Séquane se déplace vers le sud-est ; le milieu du IIIe siècle voit arriver des migrations importantes qui vont affecter le nord de la France. De nombreux peuples venus de Germanie (Les Belges) vont envahir un immense territoire compris entre la Hollande et la Seine, repoussant devant eux de nombreux peuples celtes. Tous ces mouvements vont entraîner une réorganisation de l’espace qui dès lors ne fluctuera plus beaucoup jusqu’à l’arrivée de César.
Certains peuples vont alors passer en Angleterre (dont sans doute une partie des Parisii), les Sénons se regrouperont définitivement autour de Sens, quand aux Séquanes ils se recentreront sur le cœur de leur territoire, dans le jura; en effet ils n’arriveront pas à tenir leurs frontières nord qui passeront aux mains des Lingons, eux mêmes victimes de l’arrivée massive des peuples Belges.
Ce repli forcé s’est-il effectué de manière pacifique ou y a-t-il eu quelques tensions ?
L’archéologie encore une fois nous fournit quelques pistes. On observe sur la frontière sud du territoire Lingon alors territoire Séquane, deux événements consécutifs intéressants et
géographiquement proches : Le site de Vix abandonné depuis le Ve Siècle est réoccupé, sans doute pacifiquement ; mais le site de hauteur de
Bourguignon-les-Morey (BO , Haute-Saône) subit lui une attaque, il est détruit et incendié à la même époque, le milieu du IIIe siècle.
Les Séquanes vont alors perdre un de leurs sites les plus prestigieux, celui même qui les avait vu naître et qui leur avait donné leur nom, la source de la Seine n’était plus chez eux …
Que va alors faire ce peuple qui venait de perdre ce qu’il avait de plus sacré ?
LE JURA
Il existe en plein cœur du Jura un immense oppidum de 1000 ha à la forme triangulaire quasi parfaite (voir aussi annexe OPPIDUM).
Cet oppidum porte une enceinte constituée de blocs cyclopéens - annexe photos - mur qui encadre une vaste surface (6 km de périmètre). A ce jour cette enceinte garde encore son mystère .
A ses pieds coule une rivière dont le nom ne surprendra pas ceux qui ont eu le courage de lire cette enquête jusque là, son nom, la Saine, en fait la sœur jumelle de celle qui arrose Paris !
Le nom de Saine existait-il avant les Séquanes ou fut-il crée par ces derniers ?
La question est complexe car l’oppidum et ses murs (Et ses habitants ? Peut-être ni Séquanes, ni Sénons ?) existaient de toute évidence bien avant le IIIe siècle et il est plus que probable
que la ville qui était importante, était déjà sacrée bien longtemps avant l’arrivée des Séquanes. Les monuments cultuels qui parsèment le site en témoignent.
En vérité cela a peu d’importance ! Que les Séquanes aient adopté, adapté ou inventé le nom de la rivière, ils ne pouvaient que se l’approprier et la sacraliser afin de retrouver un lieu de culte semblable à celui de leur naissance !
Le village où cette rivière prend sa source, se nomme comme il se doit Foncine, ( formes anciennes :Fonssena XVI, Fonsenne XVII, forme actuelle à partir de la fin du dix-septième siècle), le nom vient du celtique puis du latin Fons Sena (fontaine vénérable dans le sens de sacrée).
Dans la plaine qui fait face à l’oppidum à quelques km de la source, on retrouve le village de Syam (formes anciennes : Syen 1286, Senz 1293, Cienz 1313, Sienum1550, Sian / Syan XVII / XVIII).
Quant à la Saine elle même , la forme ancienne du XVIIIe siècle accentue encore l’homonymie avec la seine (Sene /Senam 1550, Senne XVII, Seyne XVIII).
Sur les cartes du XVII et XVIII la Seine est orthographiée Seyne.
Cela éclaire aussi « L’erreur « de Strabon qui faisait naître la Seine (Sekoana) dans les Alpes, évidemment sans doute a-t-il confondu avec la Saine, mais le caractère sacré de celle qui naît dans le Jura et l’homonymie avec les Séquanes ne pouvait lui échapper.
Ce qui démontrerait - en passant - l'importance de cette petite rivière.
Quand au nom de Senz, on ne peut que là encore constater l’homonymie avec la ville de Sens.
Il est remarquable de constater aussi la relation qui existe entre l'origine du nom de Sigo fondateur de St-Seine-l'abbaye, le village de Syens en Suisse (voir annexe 1, formes anciennes : Ciens 1081, Siens 1228) et les formes anciennes de Syam.
Est il envisageable de comparer aussi Senz et Sens avec Senenz, Senens (voir Sarine) et surtout Sense (voir Singine) ?
Parallèlement il peut être intéressant de s’attarder sur le nom de l’autre rivière, celle qui coule de l’autre coté de l’oppidum, à l’ouest ; cette rivière se nomme la Lemme et son nom aussi est obscur.
Plusieurs hypothèses sont envisageables, on songe bien évidemment au lac Leman que Strabon nommait « lac Lemenna «.
On peut aussi songer au nom « limnai « , appliqué aux lacs sacrés des Volques Tectosages cités par le même Strabon ( géographie IV , 1 ,12-14).
On peut citer aussi une forme ancienne de la Lemme, Leyme (1374) qui est strictement identique à celle d'un cours d'eau d'Allemagne, le Leimbach du bassin de Lahne mentionné sans l'appelatif (bach) en 1270: duorum fluminum Leyme et Hene.
La forme hydronymique est fréquente en Allemagne mais il faut quand même noter que ce cours d'eau se situe sur la frontière sud du Siegerland...
Il est possible enfin que la rivière ait délimité une frontière entre deux territoires,
le nom pourrait alors venir de la racine latine *lim- signifiant bordure frontière, d’où dérivent limes, limitis : limite, chemin, frontière ; limbus : lisière, bordure, frange ; et limen, liminis : seuil, entrée, barrière . Nom qui aurait donné au moyen âge : Limia, lemma : une "lemma" arrivant contre le pagus X, une seconde "lemma" contre le pagus Y (diplômes carolingiens)
– d’où aussi lemnia : lisière d’un bois , une forêt avec des limites fixées.
Mais il existe une autre hypothèse finalement encore plus logique, il suffit de revenir au tout début de l’hypothèse, sur les frontières du peuple suisse qui entama le long périple qui les mena jusqu’au Jura. Ce peuple avait sur ses limites Nord une rivière dont le nom probablement d’origine celtique évolua en latin pour donner « amnis «, puis plus tard l’Amma (à comparer avec l’Ayme nom de la lemme avant quelle prenne sa forme définitive après la révolution) .
Et notre rivière de suisse se nomme à présent l’Emme !
Les Séquanes auraient donc crée ou entériné l’existence d’un oppidum devenu sacré, en l’entourant de rivières aux noms évocateurs qui revêtaient pour eux une extrême importance sinon un caractère cultuel prononcé.
Alors quels secrets cache donc cet oppidum d’une superficie peu commune ?
Beaucoup y voient le site de l’antique Alésia ! En effet on y trouve des murs antédiluviens ainsi que tous les éléments du siège mené par Jules César . Seule l’interdiction de fouilles sérieuses (Alésia est à Alise évidemment) empêche toute interprétation objective du site.
Pour l’instant l’histoire se finit donc là …
FIN ! Ou presque ...
Alors l’histoire est-elle pour autant terminée ?
Non ! Cette histoire est en partie (toute relative) incomplète, en effet que sont devenus les Sédunes itinérants aperçus peut-être la dernière fois sur le bassin
parisien ? Et qu’est devenu le peuple resté sur le territoire de la Saane au XIIe siècle av. J.-C. ?
Il existe au nord de Rouen, 3 rivières parallèles coulant vers la manche dont les noms sont pour le moins curieux et les formes anciennes remarquables, le Dun (Dunus), la Scie (Seda) la Saâne (Sedana) , non seulement la comparaison avec le nom des « sedunes « est étonnante mais la forme actuelle de la saâne est identique à celle de Suisse.
A signaler aussi que la forme en Dun est généralement absente en Picardie et Nord-pas de calais.
Revenons aussi un instant au Ve siècle. On l’a vu, une vague importante de migrations vers l’extérieur va largement affecter la gaule et une partie des migrants finira en Italie; il est possible qu’une autre partie ait pris le chemin de l’Est de l’Europe (Tite live) et on sait par l’archéologie que la Suisse participera largement à ces mouvements.
La migration suisse passera par l’Allemagne et l’Autriche avant d’atteindre la Slovaquie au IVe siècle av. J.-C., on y trouve donc la
nécropole de Dubnik datée de la fin du IVe siècle et dont les effectifs proviendraient en majorité du plateau Suisse. En poursuivant vers l’Est avant d’arriver en Ukraine, nous arrivons sur le
site de Drna qui a livré des matériaux de sépultures contenant notamment des fourreaux d’épées, qui sont des œuvres majeures de l’art celtique datées du IIIe siècle av. J.-C., ces fourreaux sont
semblables à ceux de Cernon-sur-Coole (Champagne), bien que postérieurs.
Si nous continuons notre progression vers l’Est en infléchissant notre direction vers le Nord, nous tombons alors sur le cours d’une rivière dont le nom si on en étudie les formes
anciennes a de quoi laisser perplexe : Le San .
Le San est une rivière du sud-est de la Pologne, Le San prend sa source dans les Carpates, près du petit village de Sianky (on remarquera au passage que le nom du village n’est pas sans rappeler celui du jura).
Sur les cartes anciennes, nous trouvons et c’est étonnant les noms suivants :
Saan (1439) et Sayn (1445) , ces noms nous les connaissons bien. La probabilité
que la migration partie de Suisse ait atteinte le sud de la Pologne au III ou IIe siècle est donc loin d’être utopique !
Et la probabilité que ce nom soit lié par les hasards de l’histoire à ceux de la Seine ou de la Saine ne relève peut être pas de l'imaginaire non plus !
ANNEXE 1 (voir aussi Annexe 2 et Nota Bene)
Sites en relation avec une possible occupation sénone primitive :
Les lieux cités ci-après sont pratiquement tous en relation les uns avec les autres, qu'il s'agisse d'une relation archéologique ou toponymique.
Ils sont aussi tous situés dans une même aire géographique, en relation possible avec certains mouvements celtiques migratoires tels qu'on peut, par hypothèse, les reconstituer.
En aucun cas, il ne faut y voir de certitudes !.
1 / Vix (V) :Fait partie du complexe du mont Lassois occupé sporadiquement depuis le néolithique, vaste butte qui domine la Seine, point stratégique commandant la haute vallée de la Seine et passage obligé sur la voie de l'étain occupé principalement de - 550 à -450, abandon puis réoccupation à la Tène III.
La tombe princière de Vix figure parmi les plus opulentes, célèbre pour son cratère en bronze (- 530), exemplaire unique en son genre.
2 / Sainte-Colombe (VI) : Tombe princière en correspondance avec la citadelle du mont Lassois (tombe à char dont les éléments de roue sont à rapprocher de ceux d'Apremont, Jura).
3 / Magny-Lambert (VIII) : Sépulture représentative de l'aristocratie guerrière celte (longue épée en fer), fait partie du vaste complexe funéraire du Chatillonnais.
4 / Poiseul-la-ville (fin VIII) : Nécropole tumulaire comportant plusieurs tertres en pierre qui ont livré plusieurs longues épées en fer. Plusieurs pièces allogènes témoignent de contacts à longue distance et renforcent le caractère stratégique de cette partie de la vallée de la Seine. A noter aussi que les épées étaient disposées selon l'usage des celtes historiques tels que décrits par les auteurs antiques (ce qui prouve par ailleurs que les écrits de ces derniers doivent être pris en considération).
5 / Saint-Seine l'abbaye : Ce site ne date à priori pas des Sénons puisqu’il n’apparaît qu’au VIe siècle ap. J.-C, toutefois il est impossible de l’exclure de l’étude pour des raisons évidentes exposées ci après :
A quelques kilomètres des sources de la Seine, le site devrait son nom à un nommé Sigo (connu sous le nom de saint Seine), puis le nom évolua en Soigne, Seigne et Seine. De nombreuses sources traversent le parc de l'abbaye qui fut une station thermale au siècle dernier. La carte du second canton des Atturiens du Pagus Attuariorum mentionne Sanctus Sequanus.
Le nom de Sanctus Sequanus est aussi cité dans les chroniques de Bèze en 830.
Pourquoi l'abbaye fut-elle fondée sur ce site ?
En 534 le moine Sigo vient s'installer dans la forêt de Cestres. Il meurt en 586, il laissera ce nom au village de Saint-Seine l’Abbaye et fondera d'autres abbayes dont celle de Saint-Seine-sur-Vingeanne.
Nous sommes à cet endroit sur un point stratégique, lieu de passage entre le Nord et le Sud et antique route de l'ambre et de l'étain.
On peut remarquer deux éléments dont l'importance n'échappera à personne, nous sommes à quelques km des sources de la Seine, la " coïncidence " n'est sans doute pas fortuite ; nous sommes aussi dans le même secteur que les nécropoles situées sur le cours supérieur de la Seine.
6 / Quelques km plus au Sud on trouve achevant cette ligne, le Suzon, rivière basée sur la racine Seg évoquant la force, le Suzon (Segusio) atterrit à Dijon (Divio) qui doit son nom à cette rivière sacrée.
On peut remarquer aussi que le nom de Sigo (°) est basé sur la racine germanique évoquant la force, hasard ?
Il est même possible que l'abbaye ait remplacé un lieu de culte antérieur, le Seine, de Sigo/saint Seine serait donc une résurgence toponymique.
Exemple de noms donnés à Saint-Seine-sur-Vingeanne, on y constate les hésitations de la phonétique :
1220 : Sanctus Sequanus le Reçot et Sanctus Sequana Villa
1252 : Sanctus Secanus
1252 : Saint Ceigne sur Vingenne
1256 : Saint-Seingne
1272 : Saint Ceingne
1300 : Sein-Seigne
1312 : Saint-Soigne
1372 : Saint-Saigne
1398 : Saint-Seigne
1644 : Saint-Seyne-les-Halles-sur-Vigenne
On peut comparer utilement le nom Sigo de France avec celui de Suisse
qui aurait donné Syens (commune et village vaudois du district de Moudon).
Siens en 1228, nom "probablement" d´origine burgonde,
dériverait du nom propre Sigo, Siggo.
La proximité avec les noms de Sien et Sens est à remarquer ainsi qu'avec
les formes anciennes du nom de Syam (Jura).
7 / (Croix), Sâne vive, Sâne morte (sous toute réserve) : Ces noms pourraient venir du roman sanha, sainha, sayna, sana, du bas latin sagna, saignia, saina, sania ou du gaulois *sagna, sania, « marais ». nous sommes à la frontière de la Bresse (pays très marécageux et parsemé d'étangs) ceci expliquant sans doute cela !
Le village de Croix se nommait Sane au XVIIe siècle ap. J.-C.
La Saâne (Sarine) de Suisse se nommait aussi Sana à la même époque, si la similitude entre les deux noms est à remarquer, la proximité avec le " sana " de marais incite à la prudence.
Mais il est possible que s'agissant d'une frontière (à la période celtique, les marais, bois, friches, rivières servaient souvent de frontières) il y ait eu confusion entre une origine toponymique Senone (ou la notion de force) et le mot marais issu du latin,
8 / Chavéria (deuxième moitié VIII) / Senay : Importante nécropole du Jura comportant de longues épées en fer et en bronze. Le site occupe une position stratégique dans le réseau routier des Sequanes, il est très intéressant de constater la persistance du complexe religieux à l'époque Gallo-Romaine, les restes d'un monumental mausolée de la deuxième moitié du IIe siècle ap. J.-C. ont été découverts sur la commune. Des constructions Gallo-Romaines ont aussi été repérés sur la commune de la moutonne et il n'est peut être pas surprenant de trouver sur le même espace le village de Senay, radical sen (pas d'informations historiques sur ce lieu-dit).
9 / Cernay : Cernay est le nom Français qui a remplacé le nom d'origine, or en Alsacien le nom s'orthographie " Sànne " (aussi orthographié " sennheim ou sennenheim "), nom attesté sur les cartes du dix-huitième siècle sous la forme " Senne", à noter que le village est situé à quelques kilomêtres au Sud-Ouest de la zone tumulaire d'Ensisheim et donc dans sa sphère d'influence. A noter aussi (le hasard faisant bien les choses) que de nombreuses sources, récentes et ancienne, comme la société pour la conservation des monuments historique d'Alsace (bulletin 1863), situent la bataille contre Arioviste à proximité de Cernay, un tertre est cité par César dans la plaine, or il en existe de nombreux entre Cernay et Reningue (est cité notamment un tertre de 10 mêtres de haut et de quarante mêtres de diamêtre et les restes d'un camp non loin du Vieux-Thann).
10 / Ensisheim (VI / 500 av. J.-C.) : Ensemble forestier au sud-ouest du village , comprenant une vingtaine de tertres funéraires ; à environ 1,5 km au nord-ouest de ce complexe se dresse un immense tertre isolé, le collier en or retrouvé à l'intérieur est de la même époque (vers - 475) que celui de Mercey et de Hatten (bas-Rhin), Hatten est situé à quelques km de Siegen.
11 / Siegen : Le nom est le même qu'en Rhénanie-Palatinat et basé sur la notion de force (racine seg ou segodunum), pas d'informations historiques sur le village
, par contre il est voisin immédiat de la région de Haguenau (et à quelques km de Hatten), région extrêmement riche en tumuli (Hallstatt , plusieurs centaines).
Hatten présente des similitudes avec le site d'Ensisheim qui présente lui-même des similitudes avec Mercey (Haute-Saône).
12 / Sien (Allemagne , dist. de Birkenfeld) : L'homonymie remarquable du nom avec ceux issus d'un rapport éventuel avec la présence senone interpelle !
Sans information historique notable, il faut toutefois noter sur place une nécropole tumulaire de la culture de Hunsruck-Eifel (VIII/Ve siècle av. J.-C. fin du 1er âge du fer donc même période que la présence Senone), cette culture ne sera pas affectée par les grands mouvements de la fin du Ve siècle du fait de sa position septentrionale.
13 / Conliège (début V) : Necropole tumulaire du Jura où il fut trouvé un bracelet à rapprocher de celui de Mercey, on y trouva aussi un bracelet d'un type proche de celui de Vix ou de Cressier (N-O de la Suisse).
14 / Apremont (VI) : Enorme tertre dominant la vallée de la Saône et faisant partie de l'ensemble de tumulus princiers de Gray (tombe à char), la longue épée en fer découverte a été signalée dans le même contexte en Allemagne du sud et surtout dans les tombes de Diarville et Marainville-sur-Madon (Meurthe-et-Moselle), ces tombes sont à mettre en relation avec le site de hauteur fortifié de Saxon-Sion.
15 / Mercey (V) Haute-Saône : complexe de 3 tumulus, objets en mauvais état mais dont la grande barre en fer retrouvée dans l'un des tumulus semblerait indiquer la présence d'une tombe à char à mettre en relation avec les tumulus de l'Est de la France et notamment ceux de la Franche-Comté.
16 / Marainville-sur-Madon (VII) : Tombe Hallstattienne à char sous tumulus, longue épée en fer. En relation avec le site de Saxon-Sion à quelques km .
17 / Saxon-Sion : Oppidum non daté précisément mais qui a donné son nom à toute la région environnante (le Saintois), l'association des deux noms est intéressante, il semble que l'on doive rejeter l'idée que Saxon soit de même origine que la tribu germanique du même nom, quant au deuxième il est bien connu puisque issu de Segodunum.
Le mot Saxon vient très certainement du mot Latin saxum, « roche, rocher, roc ».
Quand au nom de Sion, les documents anciens font défaut, il est possible que la ville se soit appelée « Segintum « au Ve siècle, le premier sanctuaire chrétien était nommé Ecclésia Segintensis ou Suentensis.
Capitale du pagus Seuntesis, devenu par la suite le Saintois ou Xaintois, la ville de Sion était l'un des plus importants sanctuaires gaulois de l'est de la Gaule, consacré à Rosmerta. Le temple
occupait un espace très modeste à l'emplacement de la nef actuelle de la basilique.
Le pélerinage à la Vierge qui s'y déroule encore tous les ans le 15 août est une survivance christianisé des cultes païens locaux.
(On peut noter, coïncidence ou pas, qu'à proximité de la ville de Sion dans le valais Suisse, à quelques km, on retrouve le village de Saxon, lieu important en relation avec la vallée de la
Sarine).
ANNEXE 2
LES SENONS PEUPLE GUERRIER !
QU'EN ETAIT-IL DES SEQUANES ?
Cette annexe traite de la similitude des parcours entre les peuples Sénons et Séquanes, il existe une possibilité pour que ces deux peuples soient issus d'une branche commune.
Là encore et comme pour l'ensemble de la recherche, en l'absence de preuve, il ne s'agit que d'une hypothèse.
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"La particularité la plus frappante des nécropoles Sénones (Italie) est la proportion comparativement trés élevée par rapport aux cimetières Laténiens, de sépultures d'hommes armés...
Autre singularité, la fréquence des casques métalliques, présents dans près des deux tiers des sépultures...
Cet élément de l'armement défensif, réservé chez les autres Celtes Laténiens à quelques rares personnages de rang élevé ne semble pas dans ce cas refléter une hiérarchie sociale à l'intérieur de la classe militaire car il figure dans des ensembles relativement pauvres...
Disparaît au contraire dans les trés riches tombes d'hommes armés de l'épée ...
Cette situation particulière est certainement le reflet du rôle de premier plan que le métier des armes jouait chez les Sénons..."
Extraits : Wenceslas Kruta
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Au delà de la Saône habitent, les Sécoanes qui, de bonne heure, ont eu des démêlés avec les Romains et les Eduens, pour s'être souvent joints aux Germains dans les incursions de ces peuples en Italie ; et ils ont bien montré que leur puissance n'était pas commune, puisque ces peuples étaient grands ou petits, selon que les Séquanes s'unissaient avec eux ou s'en séparaient.
Strabon
III . 2