ALESIA, ALISE ET LES SEQUANES
Le site d'Alésia se trouve-t-il réellement à Alise-Ste-Reine ?
Ou en terre Séquane ? C'est-à-dire en Franche-Comté, comme le laissent entendre certains auteurs antiques ?
Enquête sur une polémique
Depuis 150 ans, les manuels scolaires, à la suite des fouilles de Napoléon III, localisent la célèbre bataille à Alise-Ste-Reine en Bourgogne.
Et malgré tout, depuis 150 ans la polémique n’en finit pas de rebondir entre Alésia l’officielle et les Alésia officieuses qui fleurissent dans l’hexagone.
Nous connaissons essentiellement Alésia par le témoignage de Jules César qui livrant et gagnant cette grande et décisive bataille à la fin de l'été 52 av. J.-C., signa ainsi l'entrée de la Gaule au sein de l'empire romain.
Il nous en a laissé un compte-rendu exceptionnel dont la crédibilité n’est mise en doute par personne.
[Néanmoins, concernant le mécanisme de propagande inhérent à l'ouvrage, prendre connaissance de la thèse de M.Rambaud (voir la bibliographie).]
Ce témoignage c’est le De Bello Gallico ou Bellum Gallicum (BG) autrement dit « La Guerre des Gaules », or cet ouvrage d’une grande rigueur* décrit un site qui ne ressemble que partiellement à Alise-Ste-Reine…
* NB : Certaines approximations (sur la forêt germanique par ex.) sont dues au fait que César et ses lieutenants ou ses ingénieurs n'ont pas eux-mêmes constaté ce qui leur était rapporté. Ces descriptions ont pu donner l'impression que le récit césarien n'était pas fiable, il va de soi que ces quelques pages n'altèrent qu'à la marge l'intégrité de l'ensemble de l’œuvre.
UN POEME...
L’histoire commence au 9esiècle ap. J.-C. (vers 864) avec le moine Héric, ce dernier qui étudie à proximité d’Alise remarque non seulement les ruines Gallo-Romaines sur la colline mais aussi l’homonymie avec le nom Alésia, il est l'un des premiers à avoir redécouvert le récit de César après la chute de Rome et il ne tarde pas à faire le lien, il en fera un poème dont la contribution à l'Histoire qui nous intéresse ici, s'avérera primordiale !
Et pourtant, ce moine nous apprend que l'issue de la bataille fut fatale... à César !!!
Te quoque, Caesareis fatalis Alesia castris
Et le même, nous apprend aussi que le nom d'Alésia vient du nom du pain excellent qu'on y fabrique ...
Quae, quod alas proprios praepingui pane colonos
Nominis adjectu quondam signata putaris
Crédibilité douteuse ! Et pourtant ...
La localisation d’Alésia à Alise est issue de ce poème, après celui-ci le pays d'Alise antique - pagus Alisiensis, in pago Alisiense au VIe siècle*- se transformera ponctuellement, sous la plume de quelques copistes zélés, en pays d'Alésia (pagus Alésiensis) et tous les chercheurs siècles après siècles n’iront jamais vraiment chercher plus loin. Seul Napoléon III féru d’histoire et soucieux de rédiger un ouvrage de référence sur le sujet fera fouiller sérieusement le site.
(*) Entre autres, cités par Ernest Negre, Jacques Lacroix (voir la bibliographie).
L'histoire mouvementée du site laissait deviner la découverte de travaux et d'objets militaires, ce fut effectivement le cas.
L''oppidum d'Alise subira effectivement de nombreux sièges à l'époque gallo-romaine, pour la plupart attestés,
voir le recensement infra, mais seul le siège du 1er siècle av.J.-C. va laisser les traces que l'on connait.
Les indices ne manqueront pas (fortifications, fossés, armes, ossements, monnaies par centaine ... ), ils seront discutés mais les fouilles des années 1991 à 1997 viendront, en définitive, conforter les archéologues alisiens dans leurs certitudes.
En effet, les matériaux recueillis lors de ces recherches modernes de grande ampleur sont, pour partie et sans contestation possible, liés à la fin de l'époque républicaine, soit approximativement de 60 à 20 av.J.-C.
L'étude du rapport de fouilles 91/97 permet effectivement de corroborer en grande partie ces certitudes (voir
sur le sujet l'annexe Alise = Fouilles partie 2), toutefois depuis 2002 plusieurs rapports de fouilles ou études sont venus nuancer certaines
conclusions essentielles du rapport.
En ce qui concerne la fin de l'époque républicaine, il convient de noter que la période post Guerre des Gaules, va s’avérer quasiment aussi agitée que les quelques années de campagnes
césariennes, et ce, au moins jusqu'à l'époque augustéenne (vers -12). Seule l'absence de sources aussi complètes que les commentaires de César, entraine l'attribution de la plupart des
événements militaires à la seule période - 58 -51. Pourtant, le siège d'Alise peut, sans aucune difficulté chronologique, s'être déroulé postérieurement au milieu du premier
siècle avant notre ère.
Celui-ci se situe donc entre l'entrée de César en Gaule et le début de l'empire, il s'agit d'une fourchette de datation raisonnée issue des fouilles, même si le " faisceau d'indices " semble plaider pour un épisode Césarien.
Dans cette optique, la période concernée par le siège d’Alise peut être estimée à une trentaine d’année ; pour pouvoir ramener cette période à un événement sur une année bien précise, il faut que le faisceau d’indices soit quasi-irréprochable, or les éléments qui le composent sont souvent trop fragiles pour identifier de manière certaine le siège alisien avec Alésia.
Les conclusions des dernières fouilles, trop simplistes, vont évidemment contribuer à ranimer la
polémique.
ALISIIA ...
Lors des fouilles dans les ruines gallo-romaines d’Alise, on trouva l’inscription AlisiIa
(deuxième moitié du 1er siècle après J.-C.), il n’en fallut pas plus pour que les défenseurs du site soient alors certains qu’ils tenaient la preuve ultime.
Et pourtant, là aussi, cette inscription pose un épineux problème, car en effet on y lit AlisiIa (ou Alisija) et non Alésia !
Les défenseurs du site bourguignon ne contestent évidemment pas cette observation, mais pour eux tout s'expliquerait relativement facilement grâce à l'étude de la linguistique gauloise..
C'est cette évolution qui aurait fini par donner AlisiIa !
Question : Quand cette transformation se serait-elle produite ?
Il est un fait qu’il existe un terme préceltique « P-Alis » qui a ensuite formé la racine celtique « Alis » (roche , hauteur , falaise) d’où procède par exemple le germanique « Falis » qui a ensuite donné l’allemand « Fels » (falaise) ; nous serions donc passé d’un lointain Alis à certains sites de hauteur nommés Alésia.
« P-Alis » a donc donné, pendant la période protohistorique et à un moment que nous ne connaissons pas, le toponyme Alésia.
Parmi ces Alésia qui furent sans doute nombreuses : l’Alésia des Mandubiens, celle assiégée par César (Alésia Mandubiorum = Alésia des Mandubiens, peuple cité uniquement à l’occasion de la bataille d’Alésia).
Puis pendant le moyen-âge et jusqu’au XIXe siècle, les noms subirent de nombreuses mutations et il n’est arrivé jusqu’à nous aucune Alésia ayant gardé son nom intact.
Ceci étant, pour ce qui concerne Alise, est-il crédible que le nom passe une première fois d'Alis à Alésia puis dans la courte période qui nous occupe, c’est à dire de 52 av. J.-C. jusqu’au milieu du siècle suivant (cent ans tout au plus), d’Alésia à AlisiIa ?
Probablement, non...
Qu'à cela ne tienne, certains universitaires et linguistes font alors observer que dans certains cas (noms de peuples, monnaies) le i et le e pouvaient être utilisés indifféremment, tout serait alors question de prononciation comme dans Lexoviens/Lixoviens ou Toutatis/Teutates.
L'observation reste fragile mais en admettant prudemment qu'elle soit valide, cela soulève de facto un autre problème autrement plus dérangeant, celui de la prononciation de la terminaison qui passerait de i à e. En effet, si on considère que l'on puisse écrire Ales ou Alis indifféremment, il en est de même pour la terminaison qui pourrait se prononcer sea au lieu de sia, entrainant un autre casse-tête que les défenseurs du site alisien se gardent de soulever.
Nous savons par la plaque de Martialis, qu'Alisia pouvait s'écrire Alisiia, or l'évolution de la phonétique nous indique que le i bref latin a muté en e moderne, cette simple indication nous autorise à penser (toujours dans le cadre des prononciations interchangeables) qu'Alisia aurait dû se prononcer Aléséa et non en Alésia. Or voilà que les deux iI de la plaque nous compliquent encore l'analyse, le deuxième i est un i long ou semi-consonne (ou semi-voyelle) que l'on devrait prononcer J, notre cité d'Alise devait donc se prononcer théoriquement ainsi : Aléséja, au mieux Alisija.
A moins que la désinence soit dissyllabique : iya ce qui pourrait produire une fermeture en esi-a, sauf que le i bref de Alisia/AlisiIa (associé à a ou ja/ya) a bien évolué en e puisque le nom actuel est Alise et non Alisi ou Alis tout court... Le suffixe se serait alors prononcé eya. ou eja..
Bref, dans cette vaste quête en perpétuelle évolution qu'est la compréhension de l'écriture gauloise, s'il est possible de suggérer un passage de Alisia ou Alisiia à Alésia (et vice-versa), qu'il soit phonétique ou scriptural, l'affirmer relève de la méthode Coué. L'onomastique est un sujet excessivement complexe réservé à une dizaine de spécialistes et on le constate, nous n'avons encore aucune idée précise sur la prononciation sinon l'évolution exacte du nom de lieu AlisiIa (à l'exception de Wikipédia pour qui ça coule de source ! cf. article sur Alise-Sainte-Reine, paragraphe sur l'aspect phonétique).
Et comment expliquer alors, le nom de la ville d’Ales dans le Gard ?
Ales ancienne Alésia* qui portait encore ce nom au XIIe siècle …
Si en Gaule l'évolution de e en i est normale, alors comment explique-t-on que le e d'Ales n'ait pas muté ?
*Attesté aussi avec l'inscription Alesto sur une monnaie mérovingienne.
Avancer une ou plusieurs règles linguistiques de manière aussi affirmative, alors même que dans ce domaine rien n'est encore certain, ne peut en aucun cas contribuer au sérieux de toute recherche en la matière, d'autant plus que P.Lebel affirmait déjà en 1949, Autour du nom d'Alise :
De toute façon, que l'e d'Alésia ait été long ou bref, ouvert ou fermé, je ne pense pas que cette voyelle ait pu passer à I à la date de l'inscription précitée.
Est-il alors possible qu'il s'agisse de deux étymologies différentes ?
Observation qui nous amène de fait sur une autre question…
Et si Alisiia n’avait jamais été une Alésia ?
Mais bien une antique Alisia dont le nom proviendrait d’une autre racine impliquant la présence d’une source minérale (racine Alis désignant la source), source attestée à Alise-Ste-Reine même, centre de nombreux pèlerinages durant des siècles et exploitée aussi par la médecine (voir annexe : Etymon Alis).
Il serait alors intéressant d’étudier la situation du village d’Elise-Daucourt dans la Marne (y trouve-t-on une falaise ?), site géographiquement proche et qui portait encore le nom d'Alisia au XIIe siècle (Alisia 1130 , Alise 1222, cit. E.Nègre).
Conclusion logique : Il y eut très probablement sur notre sol à l'époque celtique, des Alésia et des Alisia .
Nous aurions donc affaire à une racine oronymique pour le premier toponyme, et à une racine hydronymique pour le deuxième.
Pour en revenir au cas d’Alise-Ste-Reine, il est intéressant de constater qu'entre la chute de l'empire romain et la Renaissance, si l'on excepte le poème du moine Héric, la quasi totalité des documents et inscriptions concernant la petite cité ne font jamais mention d’Alésia :
Documents , inscriptions ...
1ersiècle : Inscription ALISIIA
1er et 2e siècle : ALISIENSES (monnaies)
5e siècle : ALISIENSI LOCO ° (Constance)
6e siècle : IN PAGO ALISIENSE (Fortunat)
EX OPPIDO ALISIENSE (Étienne Afr.)
6e ou 7e siècle :
IUXTA ALISIAM (vie de st-Loup)
8e siècle : LOCO ALISIA et LOCUM ALISIANE (Martyrologe hiér. : Wiss. Berne)
13e siècle : ALYSIA, ALISIA (Chartes diverses)
14e siècle : ALISIA VILLA, ALISE.
15e siècle : ALISENCIVM REGIO
18e siècle : ALIZE
NB : Il faut aussi noter qu'après son poème de
864 le moine Heric reprend la graphie originelle d'Alisia dans " les miracles de St Germain " en 868.
Pourquoi ne garde-t-il pas Alésia ? Serait-ce parce que localement le nom est finalement inconnu à l'époque ?
On retrouvera quand même et de nouveau la graphie Alésia dans les actes de Ste Reine en 890, et dans certaines copies des manuscrits de la vie de St Germain du IX au XIVe siècle puis en 1309 avec Alesya.
°Concernant le manuscrit de Constance, les graphies postérieures à l'identification du IXème siècle sont les suivantes (manuscrits non originaux):
In alefia (XIIIe) in Alesia (XVe) in alesensu loco (IXe) in alteriensi loco (XIIIe) in aliensi loco (Xe) in alisiensi loco (XIe) et in alesiensi loco (pas de manuscrit, graphie de référence).
Voir le détail des manuscrits dans la page ANNEXE : Textes sur Alise.
Et il est intéressant de constater qu’aucun auteur antique n’a jamais fait mention d’aucune Alisia ou Alisiia en parlant de cet événement marquant de l'année 52 avant notre ère :
Littérature ...
1er siècle avant J.-C. : ALESIA (César)
1er siècle avant J.-C. : ALESIA (Diodore de Sicile) auteur grec
1er siècle avant et après J.-C. : ALESIA (Strabon) auteur grec
1er siècle après J.-C. : ALESIA (Paterculus, Tite-Live, Tacite, Pline) auteurs romains
2e siècle après J.-C. : ALESI'A (Polyen) auteur grec
2e siècle après J.-C. : ALESIA (Plutarque) auteur grec
2e siècle après J.-C. : ALEXIA (Florus) auteur romain
3e siècle après J.-C. : ALESIA (Dion Cassius) auteur grec
5e siècle après J.-C. : ALESIA (Orose) auteur romain
Il est probable que ces auteurs n'ont jamais mis les pieds en Gaule, ils ont donc écrit principalement d'après César et il n'est globalement pas surprenant qu'ils ne retranscrivent que la graphie Alésia.
Toutefois, il est certain que la plupart ont eu accès à d'autres sources et notamment celles issues des témoins oculaires de l'événement, officiers ou accompagnants, qui ont relaté le siège d'Alésia et qui auraient pu retranscrire un éventuel nom " local ".
Ces récits sont aujourd'hui perdus ou résumés au travers des textes de Plutarque ou Dion Cassius notamment.
En admettant même qu'Alisia puisse être une évolution du nom d'Alésia, et ce durant toute la période gallo-romaine, il paraît quand même très étonnant qu'à aucun moment et dans aucun texte en rapport avec le siège de César la graphie Alisia ne soit employée !
A l'inverse, il paraît tout aussi étrange qu'aucun auteur gallo-romain ou du haut moyen-âge n'ait jamais employé le nom Alésia en parlant d'Alisia, le site n'ayant jamais subi de rupture d'occupation, le nom antique et le souvenir de la bataille n'auraient pu s'oublier aussi facilement.
Alisia n'aurait donc jamais été Alésia ?
D'après certains défenseurs alisiens, ce serait évidemment inexact, il existerait un nom savant donné par les érudits antiques " Alésia " et un nom indigène " AlisiIa " parlé et transcrit par le peuple…
Étant donné qu'aucune correspondance épigraphique n'est possible entre Alisia et Alésia et qu'aucun
indice n'est venu étayer l'hypothèse, elle reste actuellement invérifiable.
Autre hypothèse pour tenter d'assimiler Alisiia et Alésia, on a pu lire que des scribes antiques maladroits n'auraient pas su retranscrire le mot Alésia et l'auraient donc transformé...
Ces explications ne sont pas vérifiables, elles sont donc par nature difficiles à contredire, comme
d'ailleurs à corroborer ; par contre, il est facilement compréhensible que l‘emploi simultané de plusieurs hypothèses pour tenter d’identifier AlisiIa à Alésia, implique que
l'identification reste plus incertaine qu'affirmée.
D'après César, la plaine qui s'étend en longueur devant Alésia fait 4.5 km de
long.
(3000 pas d'après César)
A Alise, comment la calcule-t-on ?
La bataille finale ...
LE CAS DE LA COLLINE DU NORD :
L’affrontement final autour de cette montagne est le moment clef de la bataille d’Alésia et César y consacrera plusieurs pages, en effet l’armée Gauloise qui essaye de porter secours à Vercingétorix assiégé dans Alésia n’arrive pas à forcer les défenses Romaines dans la plaine. Les Gaulois de l’armée de secours essayent alors de contourner l’obstacle en passant par les hauteurs.
César :
Erat a septentrionibus collis, quem propter magnitudinem circuitus opere circumplecti non potuerant nostri: necessario paene iniquo loco et leniter declivi castra fecerunt . Haec Gaius Antistius Reginus et Gaius Caninius Rebilus legati cum duabus legionibus obtinebant.
" Il y avait au nord une montagne (ou colline) qu'en raison de sa vaste superficie nous n'avions pu comprendre dans nos lignes, et on avait été forcé de construire le camp sur un terrain peu favorable (ou accidenté) et légèrement en pente. Il était occupé par les légats Laïus Antistius Réginus et Laïus Caninius Rébilus, à la tête de deux légions. "
Puis après avoir contourné cette montagne pendant la nuit, l’armée de secours conduite par Vercassivellaunos attaque le camp Romain établi sur ses pentes.
Maxime ad superiores munitiones laboratur, quo Vercassivellaunum missum demonstravimus. Iniquum loci ad declivitatem fastigium magnum habet momentum . Alii tela coniciunt, alii testudine facta subeunt; defatigatis in vicem integri succedunt.
" Le danger est surtout grand aux fortifications de la montagne où nous avons dit qu’on avait envoyé Vercassivellaunos. La pente qui domine le terrain accidenté joue un grand rôle. Les uns jettent des traits, les autres s’approchent en formant la tortue; des troupes fraîches remplacent sans cesse les troupes fatiguées."
Chacun interprétera à sa manière ce passage et il semble évidemment possible de proposer d'autres traductions, mais l’étude du mot fastigium (qui a donné faîtage en Français) permet de supposer que le camp était dominé par une pente d’une certaine importance où s’étaient installés les Gaulois, leur octroyant de ce fait un avantage qui faillit être décisif.
NB : Ad
declivitatem prend bien le sens de : inclinaison dans le sens de la descente, mais il
est ici associé à fastigium : " toit en pente formant pointe au sommet - faîte, sommet d'un édifice ou d'une montagne."
Et pour préciser la topographie de l'endroit il convient de traduire la phrase latine dans son intégralité, sans bien évidemment, omettre fastigium.
A noter que dans nombre de copies* du BG le mot iniquum de la seconde phrase est remplacé par exiguum ce qui donne un sens légèrement différent à la phrase, en général traduit par : " L'étroite sommité qui dominait la pente était d'une grande importance ".
*Il existe deux classes principales de manuscrits, suivant l'une ou l'autre classe certains mots sont remplacés par d'autres, ce qui peut induire un sens légèrement différent sur tel ou tel passage.
Précisons malgré tout que ces différences sont en général relativement anecdotiques.
Le premier croquis représente un Fastigium appliqué sur un camp Nord théorique, le deuxième croquis est celui du site
d’Alise-Ste-Reine.
Il y a donc au Nord une montagne trop vaste pour que César puisse se permettre le luxe de l’englober dans ses lignes, il y implante donc un camp pour en garder l’accès, et pour une raison qui nous échappe puisqu'il ne nous donne pas de précisions complémentaires, il le construit sur un terrain défavorable soumis à la pente. Peut-être était-il tout simplement impossible de l'implanter au sommet à cause d’une pente trop raide ?
Toujours est-il qu’à Alise le problème ne se pose pas puisqu’il n’y a pas de montagne au nord !
Le mont Réa habituellement identifié à cette " montagne " n’est en rien différent de toutes les collines qui entourent l’oppidum, il est même d’une altitude plus faible que celui-ci.
De plus, ce mont est en réalité l'extension d'un vaste plateau, le terme pente en ce qui le concerne est évidemment tout à fait hors de propos.
Pourquoi César aurait-il alors établi des camps dans l’intervalle qui sépare
le " sommet " du mont REA et la plaine, en laissant ce même " sommet " potentiellement aux mains de ses ennemis ?
Généralement les défenseurs d’Alise éludent ce problème. Constans avait le site sous les yeux lorsqu’il fît une des traductions de référence sur le texte Césarien, lui aussi élude cette difficulté due au fastigium en restant le plus neutre possible.
Il n'avait pas le choix, la topographie alisienne ne permet pas la traduction du mot
fastigium.
César :
Iniquum loci ad declivitatem fastigium magnum habet momentum.
Constans :
La pente défavorable du terrain joue un grand rôle.
NB : Declivitatem peut signifier pente tout comme fastigium.
Le mont Réa vu du sud : Pas de fastigium, pas de pentes, de hauteurs, de colline, ni de montagne le surplombant...
En passant, on peut remarquer l'immensité de la plaine, alors que César prècise par trois fois qu'elle ne fait que 4.5 km de long et qu'elle est enclavée entre les collines...
Le même mont Réa vu de l'oppidum cette fois, où l'on constate qu'il ne peut être soumis à aucun danger
venant d'aucune pente le surplombant, il n'y a là qu'un vaste plateau.
Pour en finir avec cette analyse du camp Nord et pour être complet, on peut donc constater qu'à Alise non seulement le mont Réa° n'est soumis à aucun danger pouvant provenir d'une hauteur plus importante, mais on pourrait même considérer qu'au vue de sa topographie (le mont Réa est un éperon somme toute relativement isolé), une position romaine au sommet serait de facto quasiment inexpugnable, ce qui en aurait fait un des points forts du dispositif Césarien !
On est donc à l'opposé sur ce point de la situation du camp dans le texte des commentaires.
° A signaler qu'aucun camp n'a été retrouvé lors des dernières fouilles sur les pentes du Réa, même situation au XIXe malgré des fouilles intenses, tout juste les fouilleurs de Napoléon III auraient-t-ils " deviné " la forme d'un camp dans la pente !
D'ailleurs, César signale l'existence d'un camp mais il y en avait peut-être deux (deux légions), ce qui serait encore plus problématique à Alise.
A signaler aussi que certains chercheurs ont fini par se dissocier de cette équation simpliste Réa=camp nord, tel J.Harmand en 1978 (Caesarodunum, sup. n°28, p. 420) :
Confronté à l'incompréhensible attachement des publications officielles envers une tradition inintelligente, on en vient presque à regretter qu'aient été faites les découvertes mobilières du sud-est du Réa , source profonde de cette illusion.
Or, s'il n'y a pas de camp nord, de montagne nord et toujours pas de traces archéologiques de
la bataille finale à Alise, comment pourrait-on être à Alésia ? Seule une fiction projetée au Muséoparc d'Alise résoud la question avec l'aide de la reconstitution
numérique.
Continuons de suivre César pendant la narration de l’assaut final :
Interiores desperatis campestribus locis propter magnitudinem munitionum loca praerupta ex ascensu temptant:
"Les assiégés, désespérant de venir à bout des fortifications de la plaine, car elles étaient formidables, tentent l’escalade des hauteurs …"
On retrouve plusieurs indications dans cette phrase :
Les assiégés renoncent à attaquer les fortifications de la plaine et essayent d’escalader les praerupta autrement dit les abrupts.
Si les assiégés tentent d’escalader les hauteurs, c’est bien parce que le dispositif défensif Romain de la contrevallation est allégé sur les collines qui entourent l’oppidum, par opposition à celles de la plaine qui sont "formidables" !
Et s'ils doivent escalader des abrupts c’est qu’à certains endroits la pente doit être sévère et en avant du dispositif défensif romain !
A Alise toutes les fortifications sont dans la plaine*, et il n'y a évidemment aucune hauteur à escalader !
* A l'exception du mont Pennevelle au Sud-Est.
Pourquoi César aurait-il cru bon de faire une distinction entre les fortifications de plaine - formidables - et les autres (allégées), alors même qu’il est facile de constater qu’à Alise, il n’y en a tout simplement pas " d’autres " !!!
Concernant l’aspect de la plaine, point important !
Ante id oppidum planities circiter millia passuum III in longitudinem patebat.
La plaine de 3000 pas (4.5 km) en avant de l’oppidum et décrite par César comme le thêatre de la plupart des opérations est tout simplement impossible à mesurer.
De par sa forme, en face d’Alise, la plaine des Laumes n’a ni longueur, ni largeur…
En tout état de cause on y cherchera désespérément une longueur à calculer !
PLAN D'ALISE DU XVIIIe siècle
Pour remédier à cette situation embarrassante, depuis plusieurs siècles les érudits travaillent à faire coïncider l'immense plaine des Laumes avec le texte de Jules César qui, lui, ne délivre qu'une petite longueur de 4.5 km.
En 1741 est édité le premier plan raisonné des fortifications Romaines d'Alise, seulement ce plan est truqué !
En effet, pour faire coïncider la topographie avec le texte, l'ensemble du plan a été remanié, la longueur Nord-Sud de la plaine des Laumes est nettement amputée surtout au Nord, l'oppidum est desaxé vers le Nord, le mont Réa au Nord-Ouest de l'oppidum a lui carrément disparu et le petit village de Grignon s'avance par contre un peu plus dans la plaine pour la barrer...
Tout cela pour que la plaine puisse se calculer à partir de l'oppidum ce qui est évidemment loin de la réalité du terrain.
Conséquence immédiate, il suffit alors de créer une ligne droite de l'oppidum vers Grignon pour obtenir les 4.5 km requis !
M.Reddé s'étonne vaguement de la disparition du mont-Réa : " Egarement de la boussole ? Erreur de levée ? Conscience plus ou moins claire, que la colline septentrionale n'est pas exactement à la place qu'une lecture idyllique du texte de césar permet de supposer ?"
Après cette interrogation de pure forme, il parvient malgré tout à cadrer lui aussi avec le texte en reprenant tout simplement, et de manière à peine plus subtile, le même procédé que d'Anville !
Citation (p. 133, Alésia : "L'archéologie face à l'imaginaire) : La longueur de cette plaine mesurée du pied de l'oppidum (secteur des trois ormeaux) jusqu'à l'endroit où elle se referme (Grignon) est de 4.5 km... Dans le sens Est-Ouest de la pente des cours d'eau.
Devant l'oppidum, à l'Ouest, une plaine dont les dimensions sont très exactement celles du texte Césarien."
A noter, que calculée Nord-Sud, la longueur réelle de la plaine avoisine les 20 km !
LES SIEGES ET AUTRES DESTRUCTIONS
Autre étrangeté du site d’Alise, la multiplicité des sièges subis…
Il est pour le moins étonnant de constater que pendant la période romaine, le site semble avoir subi de nombreuses attaques !
Si les sièges listés ci-dessous n'ont vraisemblablement pas de rapport direct avec l'épisode principal daté du
1er siècle av.J.-C. qui a concerné Alise-Ste-Reine, il paraîtrait vraisemblable qu'ils aient laissé des traces et brouillé quelques pistes.
Dans la liste ci-après, figurent les événements qui ont marqué l'histoire de l'Alisia antique, Ces événements peuvent être des sièges avec ou sans destruction de la ville, et des destructions seules qu'elles soient accidentelles ou volontaires :
1) En 21 ap. J.-C. le général romain C.Silius fait le siège d'AlisiIa et emporte la place !
En effet l'Eduen Julius Sacrovir allié au Trévire Julius Florus est venu se réfugier sur l'oppidum où il avait trouvé du renfort .
2) Grand soulèvement de 68-70 par Vindex, classicus, tutor, sabinus, civilis, ils profitent du désordre qui précéde et suit l'assassinat de neron et de la guerre civile qui s'ensuit. Civilis essaye d'embraser la gaule du nord-est : trevires, lingons, bataves, sequanes, eduens se soulèvent .
Rome devra mobiliser 6 légions en 70 pour en venir à bout.
Sur l'oppidum d'Alise dans la ville Gallo-Romaine se trouve la maison dite au Silène, dans la pièce n° 3 il a été retrouvé trois sous-sols superposés, le premier sans doute utilisé jusqu'au bas empire, le deuxième détruit par un incendie (fin 2ème siècle), le troisième comportait un grand nombre de tessons (vase, vaisselle) brisés de l'époque de Claude et de Neron où il a été constaté que le sanctuaire de Taranis avait subi des dégats considérables.
3) En 196-197, Septime Sévère et Albinus se disputent l'empire et c'est par une victoire devant Lyon en 197 que Septime Sévère l'emporte.
la maison au Silène a subi un pillage et une mise à sac méthodique, la preuve de la mise à sac est apportée surtout par les outils exhumés du sous-sol et du grand puit.
Il s'agit d'une maison de marchand dont les affaires ont été interrompues brutalement par un drame. Les monnaies recueillies placent ce drame vers la fin du second siècle de notre ère.
Le monument à crypte a été saccagé avant d'être détruit par le feu, la violence de celui ci avait transformé les matériaux en chaux, or cet incendie est daté approximativement par un denier d'argent au nom de Septime Sévère recueilli dans la crypte, denier frappé après la campagne de 197-198 contre les Parthes.
Concernant ce second désastre de la maison au Silène, la destruction fut systématique et organisée.
Cet événement intervenant après la victoire contre Albinus, on peut supposer qu'il ne s'agit donc pas d'un siège mais d'une répression effectuée par Septime Sévère, peut être pour l'aide délivrée par la ville à Albinus ?
4) En 250. Nouveau siège de la ville contre les bagaudes !
Pas d'incendie constaté, si la ville fut peut-être prise, elle ne fut pas détruite.
5) En 275-276. Nouvelles et terribles dévastations des Germains en Gaule
On constate sur le site un troisième Incendie autour de la période de Tetricus le père (271/273).
Après celui-ci on se contente de rétablir les murs détruits en utilisant essentiellement des matériaux de remploi.
6) HIVER 356-357. Les légions de Julien l'apostat assiègent les Alamans et les Burgondes retranchés dans Alisia, la ville est prise !
7) En 377 Gratien remporte une belle victoire sur les Alamans.
L'incendie qui a détruit Alisia une quatrième fois date de cette période là ou juste après, y'a-t-il un rapport entre ces deux événements (siège, accident, répression) ?
Comment est-il possible que seul le siège de -52 soit archéologiquement parlant ?
Les sièges cités ci-dessus ont fatalement laissé des traces, même superficielles !
Le dossier alisien en est donc fatalement impacté.
Toutefois et pour être honnête, cet aspect du problème est d'importance secondaire et doit être fortement relativisé, de toute évidence le siège retrouvé autour d'Alise est incontestablement antérieur à l'époque gallo-romaine.
LA BATAILLE PRELIMINAIRE
Revenons aussi un instant sur la bataille préliminaire de cavalerie qui a opposé César à Vercingétorix alors que ce dernier venait de tendre une embuscade à l'armée romaine en retraite vers la
province, cet affrontement sanglant (3000 morts chez les gaulois) tournera à l'avantage de césar obligeant Vercingétorix à se réfugier sur l'oppidum d'Alésia.
Or, César raconte que dès le lendemain il se retrouve en face d'alésia, il est bien évident qu'il n'a pu poursuivre les Gaulois pendant la nuit et en territoire inconnu, la bataille préliminaire
se situe donc à peu de distance de l'oppidum. La plupart des spécialistes estiment à une demi-journée ou à une vingtaine de km au maximum la distance parcourue par l'armée de
Vercingétorix et ses bagages pour rejoindre Alésia après l'affrontement.
La topographie décrite par César et la distance estimée avec Alésia n'ont jamais permis de retrouver à proximité d'Alise le lieu de cet affrontement, plusieurs sites ont été proposés depuis 150
ans sans qu'aucun ne convienne.
Certains défenseurs d'Alise se sont donc cru autorisés à traduire le mot altero
die par le surlendemain (voir à ce sujet et par exemple, M.Reddé dans
: Alésia : L'archéologie face à l'imaginaire, p. 44), évidemment nécessaire pour élargir le champ des possibilités mais contraire aux règles de traduction
latine.
Caesar impedimentis in proximum collem deductis, duabus legionibus praesidio relictis, secutus quantum diei tempus est
passum, circiter tribus milibus hostium ex nouissimo agmine interfectis altero die ad Alesiam castra fecit .
"César laissa
ses équipages sur un coteau voisin, les commit à la garde de deux légions, poursuivit l'ennemi tant que le jour dura, lui tua environ trois mille hommes de l'arrière-garde, et campa le lendemain
devant Alésia ."
Altero die se
traduit bien par le lendemain (voir Gaffiot)*, mais certains défenseurs d'Alise (supra) ont argué qu'il était possible de traduire par
le surlendemain sous le fallacieux prétexte qu'altero pouvait faire partie d'une énumération
(Voir Cicéron **), en
oubliant au passage que dans ce cas précis il n'y avait pas d'énumération...
* En plus du Gaffiot, l'avis de chercheurs alisiens :
"Et puisque, dès le lendemain même de la mêlée, pour lui victorieuse, - altero die-, César, poursuivant l'adversaire (...) est arrivé (...) en vue d'Alésia." J. Carcopino, Alésia où les ruses de César, 1958, p. 214.
Et note 57, même page : R.Durand, mélange Thomas, Bruges, 1930, p. 214-228, dont l'interprétation s'impose.
"Nous ignorons où eut lieu cette bataille de cavalerie. Nombre d'hypothèses ont été proposées à ce sujet, aucune ne s'impose.
César arriva devant la place le lendemain et entreprit aussitôt de l'investir." J.Le Gall, La bataille d'Alésia, 2000, p 12.
** Cicéron, phil. I,32 dans l'expression " proximo, altero, tertio, reliquis consecutis diebus"
Si Alise n'est pas Alésia ...
Alors Alésia est ailleurs !
Laissons s’exprimer sur le sujet un des grands défenseurs d’Alise, Jérôme Carcopino :
" Il est à mon avis certain que trois textes au moins localisent chez les Séquanes l'Alésia de Vercingétorix.
Le plus explicite est le passage de Dion Cassius...( Il ) affirme que le chef gaulois surprit le proconsul dans sa marche et l'enveloppa chez les Séquanes...
Le témoignage de Dion Cassius est donc formel .
Au lieu de ruiner l'assertion de Dion Cassius, Plutarque la renforce lorsqu'il indique que c'est là, c'est à dire chez les Séquanes...
Enfin et surtout Plutarque et Dion Cassius sont d'accord non seulement l'un avec l'autre, mais tous les deux ensembles avec César."
Pourquoi donc Carcopino essaie-t-il de justifier la localisation d’Alésia chez les Séquanes, c'est à dire en Franche-Comté ?
Alors même qu’il défend l'idée qu'Alise est Alésia, et qu'Alise est située en territoire Eduen voire Lingon, en Bourgogne…
De toute évidence, à force de lire et de relire les textes, Carcopino, philologue éminent, finit par acquèrir la conviction qu'Alésia est indubitablement en Séquanie.
Or, à l'époque de César le territoire Séquane est bien en lieu et place de l'actuelle Franche-Comté, pour
Carcopino il faut donc absolument replacer Alise dans ce contexte, mais comment le faire sans déplacer l'oppidum bourguignon d'une bonne centaine de km vers l'Est ?
C'est donc le territoire des Séquanes qui se déplacera jusqu'à Alise !
L’extrait présenté supra provient du livre "Alésia où les ruses de
César" (édition de 1958), dans cet ouvrage Carcopino essaye désespérément de prouver
l’existence de Séquanes de l’ouest à l’emplacement d’Alise ; et bien que l'ouvrage soit maladroit, parfois malhonnête et l’hypothèse fausse, le livre n’en reste pas moins intéressant du fait
de la grande érudition et des talents de latiniste de son auteur.
Jérôme Carcopino, historien, archéologue et haut fonctionnaire Français est né le 27 juin 1881 et est décédé le 17 mars 1970.
Historien de la Rome antique, il a publié de nombreux ouvrages parmi lesquels on doit citer le plus important : César qu'il fit paraître en 1936.
Si on étudie dans le détail les textes concernés, il en ressort effectivement que César fut attaqué par Vercingétorix dans le pays des Séquanes et il est donc évident que l’Alésia des Mandubiens s’y trouve aussi !
Suivons César , Plutarque et Dion Cassius
César
BG 7.66
Magno horum coacto numero, cum Caesar in Sequanos per extremos Lingonum fines iter faceret, quo facilius subsidium provinciae ferri posset, circiter milia passuum decem ab Romanis trinis castris Vercingetorix consedit
Vercingétorix forme de ceux-ci un corps nombreux et, comme - César faisait route « vers « le pays des Séquanes par l’extrémité du territoire des Lingons,- afin de pouvoir plus aisément secourir la Province, il s’établit, dans trois camps, à environ dix mille pas des Romains
- Traduction généralement admise - Pour saisir le sens exact de la phrase de César, il est utile de se reporter aux pages 81 à 85 de l'ouvrage "Alésia" par Berthier et Wartelle, analyse du texte par J.Y Guillaumin.
Après décryptage et mise en contexte, tout indique que César était déjà chez les Séquanes lorsqu'il fut attaqué par Vercingétorix.
La vie de Jules César par Plutarque
XXIX.
César fut donc obligé de décamper promptement et de traverser le pays des Lingons, pour entrer dans celui des Séquanes, amis des Romains et plus voisins de l’Italie que le reste de la Gaule. Là, environné par les ennemis, qui étaient venus fondre sur lui avec plusieurs milliers de combattants, il les charge avec tant de vigueur, qu’après un combat long et sanglant, il a partout l’avantage et met en fuite ces Barbares .
Dion Cassius
Livre XL
César voulut marcher sur-le-champ contre les Éduens ; mais, arrêté par la Loire, il se dirigea du côté des Lingons, et ne fut pas plus heureux.
Vercingétorix, à qui César ne paraissait plus redoutable à cause de ses revers, se mit en campagne contre les Allobroges. Il surprit dans le pays des Séquanais le général romain qui allait leur porter du secours, et l'enveloppa ;
Nous sommes donc chez les Séquanes, mais qui étaient-ils ? D’où venaient-ils ? Où se situaient-ils ? Et à quelle époque ?
Comme la plupart des autres peuples gaulois ils n’apparaissent qu’à la faveur de la Guerre des Gaules.
Avant nous ne savons quasiment rien des habitants de l’Europe septentrionale. Les celtes eux même ne commencent à être cités qu’au Ve siècle av. J.-C. et encore de manière très restreinte.
Pour ce qui concerne les Séquanes on sait qu’ils ont habité les parages des sources de la seine dont ils ont pris le nom, à moins qu’ils ne l’aient eux-même donné au fleuve, là encore, rien n’est établi avec certitude ; ce qui est certain c’est qu’à la période de la Guerre des Gaules leur territoire s’étendait grosso-modo en lieu et place de la Franche-Comté.
Les frontières du territoire Séquane nous sont à peu près connues, César nous dit par exemple que les Séquanes et les Eduens se disputaient régulièrement les péages sur la Saône ce qui implique bien évidemment que les limites des deux territoires n’en étaient pas loin ; il nous dit aussi qu’au sud il existait un passage étroit et difficile, entre le Jura et le Rhône, où pouvait à peine passer un chariot et dominé par une haute montagne (Bellegarde-sur-Valserine) ; ce passage était tenu par les Séquanes. Il nous dit aussi que le Jura séparait les Séquanes des Helvètes.
Bien évidemment les limites exactes ne peuvent que rester sujettes à caution, d'autant plus que les forêts et
les marais pouvaient aussi servir de frontières.
STRABON
Si on veut utiliser une autre source que César pour matérialiser sur une carte ce territoire et recouper les informations, il est peut être intéressant d’utiliser la géographie de Strabon qui est quasiment son contemporain.
Partant de l'Est Strabon nous dit :
Aux Helvètes, le long des bords du Rhin, succèdent les Séquanes et les Médiomatrices, et, compris parmi ces derniers, les Tribocques, peuple germain, enlevé naguère à ses foyers et transporté là de la rive opposée du fleuve. Le mont Jurasius, situé dans le pays des Séquanes, sert de ligne de démarcation entre ce peuple et les Helvètes. Au-dessus, maintenant, des Helvètes et des Séquanes, dans la direction du couchant, habitent les Aeduens et les Lingons
Et partant du Sud, c’est à dire de Lyon :
Quant aux peuples qui succèdent aux Segosiavi dans la direction du Rhin, ils ont pour leur servir de limite, les uns, le Doubs, les autres l'Arar (La Saône), deux rivières qui, ainsi que nous l'avons dit précédemment, descendent aussi des Alpes et se jettent dans le Rhône, après avoir confondu leurs eaux. Mais il y a encore une autre rivière, le Séquanas, qui prend sa source dans les Alpes et va se jeter dans l'Océan, après avoir coulé parallèlement au Rhin et avoir traversé tout le territoire d'un peuple de même nom compris entre le Rhin à l'est et l'Arar à l'ouest :
La géographie de Strabon est d’une précision certes approximative, mais fort utile quand on veut se donner une idée des territoires à l’époque de la Guerre des Gaules, et il peut effectivement donner l’impression de se tromper en faisant jaillir la source de la Seine dans les Alpes. Impression peut-être trompeuse, à l'époque et pour Strabon, la chaîne du Jura faisait partie des Alpes.
En 1958, lorsque Carcopino sort son livre, il pense et c’est logique, que les Séquanes viennent de Suisse via le Jura. En effet cet itinéraire est le plus probable puisqu’on sait que le centre de l’expansion celtique, voire préceltique si on remonte dans le temps, se situe autour de l’arc Alpin principalement en Suisse, sud Allemagne et Autriche.
Mais il se trompe peut-être car les Séquanes ne venaient pas nécessairement de l’est, du moins
directement.
Il s’agit bien évidemment d’une hypothèse invérifiable en l’absence de traces écrites, mais les indices qui parsèment le voyage sont pour le moins troublants.
(2) ORIGINE DES SEQUANES.
Voir en annexe, la rubrique HYPOTHESE